Un vendredi matin

Rien de tel qu'un petit coup de traumatisme le vendredi matin. Par exemple, sortir du métro pour rejoindre son bureau, et croiser sa psy dans les 20 mètres qui relient la bouche du métro à la porte d'entrée de son bureau. Sa psy qui ne nous voit pas bien sûr, parce-qu'elle regarde une devanture de magasin. Magasin de dessous féminins...

Que dire d'autre...

Que ce n'est pas ma faute si mon bureau se trouve à côté d'une boutique de sous-vêtements.
Que je ne peux pas m'empêcher de penser continuellement à elle, alors de la croiser comme ça, dans ma rue, mon quartier de travail, dans une partie de mon monde, quel fantasme... et quel choc.
Qu'elle ne m'a sûrement pas vu. Je suis du genre caméléon dès qu'il y a des gens, je me fonds dans les gens, la ville, les situations (pour mémoire, c'est normal, je suis un objet), à cause de ma tête de gentille, donc de pas dangereuse, donc on ne me voit pas comme un problème, donc on ne me voit pas.
Que je suis tellement mal à l'idée qu'elle ne m'ait pas vu! C'est mon fantasme de représenter quelque chose pour elle, alors toucher du doigt son fantasme sans qu'il se réalise, ça me traumatise. Pourquoi je serais la seule à avoir eu un choc ce matin, pourquoi pas elle aussi, pourquoi je suis obligée de garder cette histoire pour moi et d'être si mal?
Qu'elle m'a peut-être vu, et qu'elle se trouve gênée de savoir que je l'ai peut-être vu regardant des sous-vêtements. L'horreur pour un psy, d'être pris par son/sa patient/cliente en pleine intimité, non?
Enfin, je trouve. Regarder des sous-vêtements, c'est les aimer, c'est en porter (c'est mieux!) peut-être des un peu plus sensuels parce qu'on voit ceux dans la vitrine qui ne sont pas les plus banals. Y'a quand même l'idée de porter des sous-vêtements pour être sensuel. On touche l'intimité là! Non?
Ou c'est moi qui suis vraiment omnubilé? C'est sûrement ça. C'est moi qui suis remplie de principes, de fixettes, et de fantasmes parce-que la vraie vie "c'est trop dur".

Si ça se trouve, c'était pas ma psy, et là c'est le pompon de ma déchéance.

En attendant, je ne me sens pas bien du tout. J'ai l'impression d'être paumée. Je n'ai envie de rien. Je pleure devant mon écran.

Je n'ai plus de force...